Podcast : Faut-il imposer des quotas en entreprise ?
Introduction
Les quotas en entreprise sont-ils une véritable réponse aux discriminations systémiques ou une mesure cosmétique qui masque les problèmes de fond ? Ce premier épisode du nouveau format "Clash RH" animé par Le Barack qui parle RH, met en débat un sujet brûlant : l'imposition de quotas dans le monde du travail. Pour explorer le sujet, deux voix engagées s'affrontent : Jessica Djeziri, juriste et spécialiste des enjeux d’égalité professionnelle, et Yannick Merciris, journaliste engagé sur les questions sociales. En toile de fond, un débat vif et sans langue de bois sur les effets réels des politiques de quotas, leur impact culturel, économique et humain, et les alternatives durables pour construire une entreprise plus inclusive.
Le contexte : les quotas en entreprise en 2025
En France, le cadre juridique en matière de diversité s’est fortement densifié. La loi Rixin (2021) impose 30% de femmes dans les comités exécutifs des entreprises de plus de 1 000 salariés d’ici 2026, et 40% dès 2029. La loi Copé-Zimmermann (2011) vise un équilibre de genre dans les conseils d’administration. Et depuis février 2025, les entreprises de plus de 20 salariés doivent employer 6% de personnes en situation de handicap.
Mais les chiffres montrent des écarts persistants. En 2011, seuls 12% des conseils d’administration étaient composés de femmes, contre 46% aujourd’hui, un progrès indéniable dû aux quotas. Pourtant, la représentativité reste inégalement répartie : seulement 2% des investissements en startup concernent des entreprises dirigées par des femmes, malgré leur meilleure rentabilité moyenne (+40%).
À l’international, la Norvège, pionnière depuis 2003, impose 40% de femmes dans les conseils d’administration. L’Allemagne suit depuis 2015. Les États-Unis, eux, ont récemment mis fin à la discrimination positive dans les universités. La France se cherche encore un modèle.
Jessica Djeziri : « Les quotas ne traitent pas les causes profondes »
Juriste de formation, Jessica Djeziri rejette les quotas qu’elle considère comme un simple "pansement". Elle défend une approche systémique, ancrée dans des actions concrètes. Pour elle, les quotas offrent une illusion d’inclusion sans garantir une transformation culturelle réelle. Elle cite Barack Obama : « L’affirmative action n’a jamais contribué à faire une société plus juste. »
Selon Jessica, les quotas ne touchent pas le quotidien des salariés. Se concentrer sur les conseils d’administration, souvent éloignés des réalités opérationnelles, ne suffit pas. Elle défend la nécessité de processus de recrutement sans biais, d’évaluations objectives, et de politiques parentales équitables pour les femmes et les hommes.
Elle plaide pour des engagements mesurables comme ceux du pacte diversité & inclusion qu’elle a cofondé, ou des politiques d’entreprises comme celle de Meta qui alignait les congés des deux parents. Ces approches sont, selon elle, les seules capables de faire reculer la pénalité parentale, responsable de 90% des inégalités de revenus entre femmes et hommes.
Yannick Merciris : « Ce n’est pas parfait, mais c’est indispensable »
Face à elle, Yannick Merciris reconnaît la complexité du sujet, mais soutient une position résolument favorable : les quotas sont imparfaits, mais utiles. Il les compare à la démocratie : « la moins pire des solutions ». Ils sont, selon lui, un levier immédiat pour forcer les entreprises à évoluer et rendre visibles celles et ceux que l’on invisibilise.
Il rappelle que les quotas ont fait leurs preuves : en quelques années, la loi Copé-Zimmermann a multiplié par cinq la part de femmes dans les conseils d’administration. Il insiste aussi sur leur pouvoir symbolique. Voir des femmes en position de leadership change la norme, fait évoluer la perception du pouvoir et permet d’inspirer les générations futures.
Yannick déplore qu’en 2025 encore, 96% des secrétaires soient des femmes, contre 18% dans les métiers d’ingénierie informatique. Pour lui, les quotas ne sont qu’une étape transitoire, mais essentielle pour casser les biais implicites et remettre en question les habitudes de recrutement. Leur efficacité, dit-il, s’arrêtera le jour où l’équité sera acquise.
Un débat de fond sur l’image, la culture et les chiffres
Le débat met également en lumière les effets pervers parfois associés aux quotas. Jessica s’appuie sur un sondage selon lequel 67% des salariés estiment que les quotas nuisent à l’image professionnelle des personnes concernées. Elle redoute l’émergence d’une défiance : « Cette DRH, elle est là parce qu’il fallait une femme. »
Yannick lui répond que l'injustice perçue cache souvent une injustice bien réelle : les hommes sont historiquement favorisés. Il rappelle que les quotas n'imposent pas de choisir l’incompétence, mais forcent à ouvrir les portes. Pour lui, refuser les quotas, c’est refuser de questionner un système structurellement inégalitaire.
Tous deux s’accordent cependant sur un point : l’éducation est le levier ultime. Les stéréotypes de genre se construisent dès l’enfance, influencent les choix d’orientation, et figent les inégalités dès l’école. La féminisation des filières scientifiques, les rôles modèles visibles, et l’accompagnement dans l’accès aux métiers rémunérateurs sont autant de priorités partagées.
Quelles alternatives concrètes pour les entreprises ?
Au-delà du clash d’opinions, ce podcast dessine aussi des pistes d’action tangibles :
Mesurer, avant d’agir : L’Oréal, dès 2007, a commencé par auditer la représentativité des femmes dans ses équipes de direction, avant de déployer mentoring et parcours de carrière balisés. Résultat : 50% de femmes dans les postes de direction.
Professionnaliser les recrutements : Former les recruteurs aux biais cognitifs, structurer les entretiens, diversifier les viviers de talents sont des mesures plus durables que les quotas secs.
Soutenir la parentalité : Congés équivalents pour tous les parents, flexibilité au retour de congé, valorisation des trajectoires non linéaires.
Changer la culture d’entreprise : Promouvoir une vision inclusive du leadership, renforcer l’éducation à l’égalité en interne, et valoriser les initiatives qui favorisent l’accès des femmes à l’entrepreneuriat.
Conclusion : quota ou pas quota, il faut agir
Faut-il imposer des quotas en entreprise ? Le podcast ne tranche pas, et c’est tant mieux. Ce qu’il révèle, c’est la complexité d’un sujet qui touche à la fois au droit, à la culture, aux croyances et à l’économie. Les quotas ne sont pas une fin, mais un moyen. Ils ne suffisent pas, mais ils provoquent une réaction. Ils peuvent être mal perçus, mais ils font avancer.
La vraie transformation passera par des actions concrètes, structurelles et mesurables, portées par les entreprises, mais aussi soutenues par une politique éducative ambitieuse. Le progrès viendra quand les quotas n’auront plus besoin d’exister, car l’égalité sera enfin devenue une norme et non une exception.
Et vous, que feriez-vous pour que les quotas deviennent obsolètes ?